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Il s’appelle « jojo » …Je le rencontre il a presque 14 ans. Il est grand, très grand. Il a un diamant en boucle d’oreille.

Les diamants en boucle d’oreille avec jojo, c’est une grande histoire. Avec Jojo, je vais au marché de Juvisy régulièrement, parce qu’il veut s’acheter des diamants pour son oreille percée.

Lui, il dit que ça fait « bonhomme », moi je ne me prononce pas, je souris. Jojo, il vit au foyer dans lequel je travaille. Il a été placé d’urgence… père maltraitant, violent, dangereux, mère sans logement…Il va au collège, il n’aime pas trop ça, mais il est touchant et sensible.

Avec Jojo, on continue d’aller au marché… On achète des diamants. Au marché, on ira pendant des semaines, pendant des mois, quand il pleut, quand il fait froid, quand il fait chaud.

Jojo, il est attentif aux autres, il tente de se construire au foyer, il tente de se construire tout court.

Un matin d’octobre, je l’accompagne à son rendez-vous de  renouvellement de placement, il ne fait pas beau. Nous rencontrons la personne en charge de son dossier. Elle parle de profit, de vacances gratuite, de « profitage ». Mais Jojo il était placé parce que son père le battait. Pourtant, le placement c’est fini, le danger est considéré comme annulé, terminé, inexistant.

Le placement, c’est fini pas dans une semaine, pas dans un mois, le placement c’est fini aujourd’hui. Ce soir, il doit avoir quitter le foyer. Nous quittons l’ASE, il est 11h.

Jojo il a des affaires au foyer mais il n’a pas de sac, alors on met tout dans des sacs poubelles. Mais Jojo il n’ a pas de moyen de transport alors je le vois partir prendre la bus avec ses sacs poubelles.

Le bus, la fin de placement, tout ça, ça fait trop, même pour moi. Alors je prend ma voiture, je vais le ramener chez lui, moi, ce gamin en outrepassant la règle.

On met les sacs poubelles dans le coffre et on fait le trajet tous les deux comme pour aller au marché.

Je m’arrête devant chez lui. C’est l’appartement d’urgence qu’on a trouvé à sa famille pour les reloger. C’est un vieil immeuble sur le bord de la Seine. Il n’y a pas d’ascenseur. Il faut monter chaque étage avec les sacs poubelles, et ça sent le vieux et le moisi dans la cage d’escalier.  Nous arrivons devant sa porte.

Chez lui, ce sont deux pièces partagées par sa maman qui fait des ménages et ses quatre frères et sœurs. Une pièce sert de cuisine, salon, salle à manger, chambre de la maman et c’est minuscule, sous les toits. L’autre, c’est la chambre des enfants, de tous les enfants. Ils y dorment à 5. Jojo c’est l’aîné.

Maintenant, on doit se dire au revoir, c’est pas si simple. C’est même compliqué et très triste. Jojo il n’habitera plus au foyer, on n’ira plus au marché.

Pendant plusieurs années je vais le recroiser, souvent en bande, avec des copains à boucle d’oreille en diamants.

Je ne serai jamais importunée, il dit à tous que je suis et je reste « son éduc ».

Jojo, il était sensible et gentil. Je lui souhaite d’avoir trouvé pleins d’autres diamants dans sa vie.